Fermer

Descriptif du projet

Depuis une décennie, les membres du Groupe de Fribourg ont produit un modèle de l'organisation syntagmatique qui récuse la notion de phrase. A travers de nombreuses publications portant sur le français, nous avons contribué à démontrer le caractère flou de cette notion qui, héritée des pratiques d'écriture, a fondé les syntaxes dominantes alors même qu'elle se révèle inopérante pour traiter des données orales.

Dans un ouvrage de synthèse à paraître, la Grammaire de la période, nous posons que tout discours monologal s'articule selon deux ordres de combinatoires superposés et irréductibles l'un à l'autre, nommés respectivement micro- et macro-syntaxe. La distinction de ces deux ordres implique à nos yeux l'existence d'une « troisième articulation du langage », c'est-à-dire d'un niveau d'analyse sui generis qui ne recoupe pas les délimitations phrastiques colportées par l'écriture. Les relations micro-syntaxiques recouvrent, dans notre modèle, les structures de rection, au sens large ; quant aux relations macro-syntaxiques, elles relient entre elles des énonciations ou actions communicatives ; ces dernières s'articulent entre elles selon une combinatoire d'un autre ordre, définie par des contraintes d'appropriété aux états successifs du savoir partagé.

Dans le cadre théorique ainsi esquissé, nous avons dégagé et décrit quatre routines élémentaires qui sont susceptibles de s'établir entre deux énonciations contiguës. Nous avons aussi montré que ces routines sont sujettes, dans certains cas, à évoluer vers des coalescences syntaxiques, ce qui nous a permis de renouveler l'approche de phénomènes de variation synchronique ou d'évolution diachronique repérés de longue date, mais non encore expliqués de manière satisfaisante.  

Le présent projet a pour objectif de compléter notre modèle, d'une part en raffinant l'analyse des routines macro-syntaxiques en jeu dans les périodes, d'autre part en étudiant les configurations complexes de macro-syntagmes contenues dans certains types de périodes. Pour ce faire, nous nous proposons (i) d'examiner, sur la base de corpus aussi larges que possible, les conditions dans lesquelles se sont grammaticalisées un certain nombre d'expressions qui avaient au départ, en français, le statut d'énonciations autonomes ; (ii) parallèlement, de collecter et d'étudier, avec le concours de collègues spécialistes de la prosodie et du traitement automatique, un corpus oral d'indications d'itinéraires et de commentaires sportifs, aux fins de modéliser la structure interne des périodes narratives qu'ils contiennent.

Nos angles d'approche seront à la fois syntaxique (application du modèle fribourgeois), prosodique (recours à la méthode d'analyse du signal prosodique développée par Lacheret et Victorri) et sémantico-cognitif (recours aux travaux de linguistique cognitive sur l'expression de la trajectoire). Dans le cadre de notre recherche, nous nous proposons d'opérer une mise en relation explicite de ces différents niveaux de l'organisation langagière.  

Le présent projet a donc, indirectement, une vocation interdisciplinaire : il vise à décloisonner des secteurs de la linguistique qui trop souvent s'ignorent. Il a été conçu en coordination avec un autre projet émanant de l'Université de Fribourg (prof. Alain Berrendonner). Sous le nom de « Macro-syntaxe des insertions parenthétiques », le projet fribourgeois a aussi pour but de compléter le modèle présenté dans la Grammaire de la période.