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Silvana Pedrozo

Thèse soutenue


Sous la direction du Prof. Klauser

"Drones et sécurité publique : impacts et enjeux socio-spatiaux"

 

Cette thèse s’inscrit dans le domaine de la géographie politique et s’intéresse aux enjeux liés à l’émergence des systèmes de drones dans la sécurité publique en Suisse. Au travers de deux études de cas auprès des principaux acteurs utilisant des drones (les Forces aériennes suisses, les gardes-frontière et les institutions policières) ainsi que d’un sondage mené auprès de la population neuchâteloise, cette recherche vise à comprendre dans quelle mesure les systèmes de drones modifient la territorialité de leurs usagers et des non-usagers. La présente étude est articulée autour de trois articles scientifiques et du texte cadre qui guide et explicite l’ensemble du projet de recherche.

Dans le premier article de cette thèse, je m’intéresse à l’usage des systèmes de drones militaires (ADS 95) déployés par les Forces aériennes et les gardes-frontière suisses. Plus particulièrement, mon but a été de rendre compte des relations qu’entretiennent les militaires et les gardes-frontière suisses avec l’espace frontalier lors de missions de surveillance. Ainsi, mon étude met en évidence comment cette technologie rend possible l’acquisition de nouvelles données numériques augmentant les connaissances de ses usagers et induisant ainsi de nouvelle manière de pratiquer l’espace. Progressivement, mes résultats démontrent que le caractère fondamentalement mobile et flexible du système de drones engendre une nouvelle manière d’exercer la surveillance et les contrôles d’identification. Alors que d’autres formes de surveillance se caractérisent par leur fixité (p.ex. la vidéosurveillance), mon analyse confirme la volonté des autorités publiques suisses d’utiliser et d’investir de plus en plus de moyens pour obtenir une surveillance et des contrôles d’identifications toujours plus mobiles, flexibles et spontanés, répondant aux attentes et besoins d’une société moderne toujours plus en mouvement.

Le deuxième article de cette étude traite des processus d’acquisition et d’intégration de nouveaux systèmes de drones dans le milieu policier. Notre analyse met en évidence une série d’étapes et de procédures incluant des pratiques formelles et informelles ouvrant la voie à l’introduction de cette nouvelle technologie sécuritaire. Trois enseignements sont retenus. Premièrement, notre étude démontre que l’acquisition d’un nouveau système socio-technique au service de la police, tel que le drone, ne relève pas d’une succession mécanique de processus linéaires et d’étapes distinctes, mais doit être comprise comme un ensemble de processus et de cheminements qui se recouvrent et se complètent. Deuxièmement, notre analyse démontre que les processus d’intégration de la technologie des drones sont le résultat de médiations socio-techniques qui conjuguent des aspects tant formels qu’informels. Troisièmement, d’un point de vue plus conceptuel, notre étude montre que l’intégration d’une nouvelle solution technologique repose sur un large éventail de mécanismes relationnels avec de multiples acteurs privés et publics ainsi que sur des relations pratiques avec l’objet socio-technique concerné. Partant de ces constats, on peut affirmer que les systèmes de drones ne sont pas envisagés comme un simple outil de connaissance, ou encore une technologie plus ou moins sophistiquée, mais comme un agencement dynamique d’individus, d’idées et de choses (recueils, directives, documents juridiques, plans, etc.) dont l’assimilation s’opère et se reproduit via des canaux multiples et variés.

Finalement, le troisième article cherche à appréhender l’acceptabilité des drones en interrogeant la perception citoyenne des drones militaires et policiers en Suisse. Plus précisément, l’objectif était de comprendre dans quelle mesure la distance mentale générée par l’éloignement entre le citoyen et la technologie pouvait influencer son acceptabilité sociale. Globalement, nos résultats suggèrent que les perceptions et l’acceptation sociale des drones dépend des trois variables suivantes : les connaissances, l’utilité et les risques. Concernant les connaissances, on observe qu’elles sont globalement superficielles, ce qui explique que les interrogés acceptent la technologie sans pour autant juger sa présence nécessaire. Il arrive aussi que les enquêtés remettent en question l’utilité et la nécessité de la technologie. Ce dispositif sécuritaire est largement accepté comme aide (lors de situations d’urgence), mais suscite la méfiance lorsqu’il est envisagé comme moyen de surveillance. Finalement, sur la question de la distance mentale, nous arrivons à la conclusion que celle-ci influence bel et bien l’acceptabilité sociale des drones. En somme, la mise à distance physique et sociale engendrée par l’utilisation de cette technologie numérique produit des représentations floues et abstraites qui induisent une perception et une acceptabilité superficielle des drones destinés à la sécurité publique.

Cette étude se propose ainsi d’apporter de nouveaux éléments de compréhension qui permettent de discuter de manière nuancée les enjeux et implications de l’usage toujours plus répandu des systèmes de drones par les autorités publiques en charge de la sécurité du territoire.

 

Mots clés : drones – surveillance – sécurité – mobilité – verticalité – militaire – civil –  Suisse